André de RICHAUD
André de Richaud est né le 6 avril 1907 à Perpignan. Il passe une grande partie de son enfance à Nîmes, chez son grand-père maternel. Son père meurt en 1914, lors d'un combat dans la Meuse et sa mère quelques années plus tard, en 1923. Richaud fréquente le collège de Carpentras dans les années vingt ; période où il rencontre Pierre Seghers, André Gaillard (de la revue Les Cahiers du Sud) et Joseph d'Arbaud, directeur de la revue Le Feu. Puis il suit des études de droit et de philosophie à Aix-en-Provence et écrit, pendant ses vacances de l'été 1927, Vie de saint Delteil, qui sera publié l'année suivante. Il devient professeur de philosophie en 1929 et continue d'écrire et de s'intéresser au théâtre.
Grasset édite, en 1930, La création du Monde, et son premier texte pour le théâtre, Village, est joué cette même année au théâtre de l'Atelier. Mais c'est La Douleur (premier roman remarqué par Mauriac, Bernanos et Delteil), publié chez Grasset, en 1931, qui le rend célèbre. Dans les années trente, il entreprend un voyage en Grèce qui le bouleverse et rencontre Fernand Léger, chez qui il vivra quatorze ans en Normandie et à Paris.
Après La Fontaine des lunatiques, paru en 1932, chez Grasset, il abandonne l'enseignement. Bien que le romancier, qui est aussi poète et dramaturge, se trouve promis à une belle carrière littéraire, soutenue par Cocteau et Camus entre autres, l’homme va sombrer, ses romans déconcertent la critique et sa déchéance ne s'arrêtera plus : alcoolique, misérable, dépressif, entretenu et soutenu par des amis, il continue pourtant d'écrire pour le théâtre (L'Homme blanc) et de publier des romans chez Grasset : L'Amour fraternel en 1935, La Barette rouge en 1938.
En 1943, il travaille avec Jean-Louis Barrault au projet du film La Fontaine des lunatiques. L'année suivante voit paraître chez Laffont La Nuit aveuglante, et chez Seghers, La Confession publique. En 1950, il s'installe à Paris, rue des Canettes – époque où par le biais de son ami Henri Rode, il entre en relation avec Les Hommes sans Épaules –, il devient l'un des « vagabonds célèbres » de Saint-Germain et participe, en loque, à « l'ambiance » des cafés et des caves de la Rive gauche. Il cesse peu à peu d'écrire sans pour cela tout arrêter.
En 1954, Seghers édite Le Droit d'asile, livre de poèmes déjà paru en 1937, mais regroupant cette fois les poèmes des dix dernières années, et pour lequel il obtient le Prix Apollinaire. Richaud part en quête du double maladif qu’il sent peser en lui. Le salut, la délivrance, l’hallucination, la Provence, l’amour, la solitude, la malédiction, le rapport au monde et à autrui, sont chez Richaud « le Maudit », autant de thèmes et d’exorcismes qui ne font qu’agrandir son mal de vivre, qu’il noyait dans l’alcool.
Une certaine activité continue autour de son théâtre et une société des amis de Richaud se regroupe pour l'aider. En 1958, il se fait admettre à l'asile de Vallauris en trichant sur son âge (il n'a pas encore 50 ans). Après sa rencontre avec l'éditeur Robert Morel, en 1965, et lors de la publication de Je ne suis pas mort, la presse littéraire redécouvre Richaud. S'ensuivent de nouveaux projets d'écriture qu'il n'aura pas le temps de mener à bien. André de Richaud meurt de la tuberculose, le 29 septembre 1968.
André de Richaud, comme l’a écrit Marc Alyn (in André de Richaud, Seghers, 1966), aura passé sa vie à se raconter, comme si lui seul existait. En prose ou, plus rarement, en vers, en paroles ou en gestes, sous toutes les formes, de la page destinée à durer au plus fugitif des monologues de café, il ne s’est jamais lassé de témoigner, pour ou contre lui-même, à son propre procès. Ce moi hypertrophié, encombrant, imprévisible et impudique est l’assise unique d’une œuvre qui pourrait porter comme titre général celui d’un des livres qui le composent : La Confession publique. Cependant, malgré tant d’aveux plus ou moins calculés, de « fausses confidences », de réticences et d’accès de franchise suivis ou non de remords, cet exhibitionniste de l’âme demeure un mystère, ce solitaire que tant de gens ont rencontré reste un inconnu. Qui est cet homme titubant entre deux phrases, offrant à tous les regards un visage plu nu d’être masqué, ce bavard capable d’imposer où qu’il aille un silence de mort, ce vieil oiseau déçu qui se plaint comme Verlaine et n’a pas son pareil pour susciter une pitié irritée dont il avoue extraire « un amer plaisir, un plaisir stupéfiant » ? André de Richaud, c’est un homme dévasté, qui se saborde lui-même.
Nous aurons l’occasion de revenir sur Richaud, dont nous possédons, dans nos archives, poèmes, lettres et autres manuscrits, dont une étude inédite d’Henri Rode
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Épaules).
À lire : L'Étrange visiteur (Grasset 1956, rééd.1984), La Création du monde (Grasset 1930, rééd. Morel 1985), La Confession publique (Bibliothèque du Double 1982, rééd. Éd. Unes 1987), La Douleur (Grasset 1931, rééd. 1998), La Fontaine des lunatiques (Grasset 1932, rééd. Le Passeur 1995), Le droit d'asile (Éd. En Marge 1937, rééd. Éther Vague 1996), La Nuit aveuglante (Laffont 1944, rééd. Deyrolle 1996), La Barette rouge (Grasset 1938, rééd. 1997).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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